Baron.                                     83
II
L'an 1704, le famedi quinzième jour de novembre, cinq heures de relevée, eft venu par-devant nous André Duchefne, etc., demoifelle Catherine von der Beck, femme féparée, quant aux biens, dc Étienne Boiron, fon mari. LaquelIe nous a dit et fait plainte qu'elle a eu le malheur de contracter ma­riage avec ledit Étienne Boiron cn l'année 1696; qu'elle lui a apporté en dot 15,000 liv. Que depuis ce mariage et qu'il a reçu une partie de la dot lors dudit mariage en deniers comptans, l'autre partie étant à conftitution, il a difupé ce qu'il a reçu et enfuite, continuant fa débauche et s'étant mis au jeu, auroit créé différentes dettes tant par lettres de change que autrement, en telle forte quc fes créanciers ayant obtenu des condamnations par corps contre lui, le voulant faire exécuter dans fes meubles, il auroit prié la plaignante de vouloir bien lui racheter la fente qu'elle lui avoit conftituée par contrat dc mariage pour acquitter fes dettes ; ce qu'elle auroit fait afin dc le mettre cn état de pouvoir continuer la comédie et de n'être pas privé de fa part, qui étoit le feul moyen de le faire fubfifter. Et lui ayant entièrement payé la dot de la plaignante, dont il a donné la quittance au bas du contrat dc mariage, il n'a pas laiffé, par un efprit déréglé, de continuer fa débauche ct fa diffipation ; il a créé dc nouvelles dettes, en telle forte que la plaignante s'eft trouvée obligée dc pourfuivre, cn l'année 1701, fa réparation de biens, après avoir effuyé plufieurs injures ct fouffert beaucoup dans fon ménage. Et ayant obtenu fa fentence de féparation, elle a fait proceder i. la vente des meubles dudit Boiron, qui lui ont été adjugés en déduction de fa dot. Ledit Boiron, nonobftant cette féparation, a toujours continué fa même vie; et ayant pris deffein de maltraiter Ia plaignante, fans qu'elle lui en eût donné aucun fujet, il a commencé par donner congé de l'appartement qu'il tenoit chez le fieur Dancourt (1), rue de Condé, pour le terme de Saint-Remi dernier. Et après avoir donné congé, n'ayant payé aucun des loyers de trois termes audit Dancourt, icelui Dancourt a retenu les miroirs et glaces de la plaignante pour lefdits loyers : le furplus des meubles ont été portés dans une maifon qu'il avoit louée rue des Quatre-Vents, de laquelle maifon il a pris et em­porté non-feulement tous les livres, mais tous fes habits de comédie qui font partie encore des meubles et hardes à elle adjugés par ledit procès-verbal de vente. Non content de ce, il l'a faite obliger pour plus de 2,000 liv. envers fes créanciers, qui n'ont pas encore été fuffifantes pour Ie mettre en liberté de contraintes par corps rendues contre lui, ce qui l'a réduit à fe retirer dans la comédie cn retraite pour éviter d'être emprifonné. Ne fâchant plus les
(1) Florent-Carton Dancourt, auteur dramatique et comédien du Théâtre-Français, né cn 1661, mort cn 1725, était l'oncle d'Etienne Boiron dit Baron. U avait cn efi\:t épousé Thcrése-Maric- Anne Le Noir de la Tliorilliêro, fille du comédien La Thorillière, ct Michel Boiron dit Baron, père d'Etienne, avait épousé Charlotte la Tuorillicre, sœur de Thércsc-Maric-Annc.